DIX TENDANCES POUR UN MONDE CARBONEUTRE

08. Risques et rendements

Les changements climatiques et les réactions aux inégalités sociales changent le paysage des risques et opportunités pour les occupants corporatifs et les investisseurs immobiliers. Bien que des villes historiquement florissantes aient de la difficulté à s’adapter, la porte est ouverte pour que de nouveaux centres d’affaires tirent profit de la sensibilisation écologique et sociale grandissante. Les modèles de prise de décision en investissement immobilier devront être rééquilibrés pour tenir compte de ces nouveaux facteurs affectant l’emplacement.

L’époque où les investisseurs se fiaient à l’arpentage rapide d’un terrain contaminé, à un paraphe sur un plan de zonage local et à une politique d’assurance globale pour la diligence raisonnable de leur acquisition est révolue. Les facteurs ESG ont d’abord touché la plupart des investisseurs par un resserrement des normes réglementaires et fiduciaires. Dans de nombreuses parties du monde, les questions environnementales ont remonté la liste des priorités. Récemment, les questions sociales sont devenues plus importantes dans la prise de décisions d’affaires. Les risques et opportunités associés aux trois facteurs sont répartis inégalement dans le monde, ce qui est important pour les investissements immobiliers, lesquels sont fixes géographiquement.

Activité risquée

Les investisseurs ont été habitués à tenir compte de variations dans les régimes de gouvernance à l’échelle nationale et internationale. La règlementation des affaires, la facilité à faire des affaires1 et les différentes taxations ont toutes un effet sur l’attrait d’une ville (et de ses immeubles) pour un occupant. L’attention au climat est plus récente et est perçue selon deux dimensions : le risque physique et le risque de transition.

Le risque de transition émane du processus d’ajustement à une économie faible en carbone, puisque les forces du marché ou la législation affectent la valeur et l’attrait d’actifs (ou d’emplacements) particuliers. Alors que divers niveaux de gouvernements mettent en œuvre des politiques pour encourager la transition vers la carboneutralité, les modèles géographiques des subventions, incitatifs, taxes et règlementations deviennent encore plus complexes. Comme nous le disions dans ÉcoLogique, ce phénomène est bien réel étant donné que les gouvernements locaux plutôt que nationaux sont à l’avant-garde de l’action politique2.

Le risque physique émane de l’impact potentiel ou avéré des changements climatiques ou météorologiques dans les environs d’un immeuble. Nous avons vu de nombreuses vies et propriétés subir de tels chamboulements récemment, y compris des inondations, des incendies, des sécheresses et autres. Les données scientifiques indiquent que ces événements arrivent plus fréquemment et causent des dommages plus importants. Une analyse des Nations unies3 démontre que 7 348 catastrophes environnementales majeures se sont produites entre 2000 et 2019, causant des dégâts de l’ordre de trois billions de dollars. Cela indique une forte recrudescence comparativement aux 4 212 catastrophes causant 1,6 billions de dollars de dommages au cours de vingt années précédentes. Parallèlement, Munich Re a souligné que les incendies de forêt les plus importants et les plus coûteux en Californie ont eu lieu dans les dernières années4.

LES PERTES EN ASSURANCES DES INCENDIES CALIFORNIENS

Une analyse des Nations unies démontre que 7 348 catastrophes environnementales majeures se sont produites entre 2000 et 2019, causant des dégâts de l’ordre de trois billions de dollars.

Le fait que les événements récents aient affecté de grandes villes, qu’il s’agisse de tornades à Nashville, d’inondations dans le métro de New York ou d’inondations majeures dans des capitales européennes, a renforcé l’impression que le risque immobilier est croissant. Les événements peuvent être spécifiques à une géographie, mais leur impact n’est pas nécessairement localisé. Quand des températures anormalement basses et trois tempêtes successives se sont abattues sur le Texas en février 2021, l’État (qui a son propre réseau énergétique) n’a pas pu répondre à la demande en énergie. Des pannes de courant ont laissé environ 4,5 millions de résidences et commerces sans électricité pendant quelques jours, à un coût évalué à 195 G$5.

En parallèle, les frictions sociales et des iniquités mènent à des perturbations et des répercussions pour l’économie et, dans bien des cas, pour l’immobilier. Des émeutes dans 140 villes américaines après la mort de George Floyd à Minneapolis ont causé des dommages dépassant le milliard de dollars6, ce qui les place au deuxième rang des perturbations civiles les plus coûteuses des États-Unis après les émeutes de Los Angeles en 1992. Les manifestations des Gilets jaunes à Paris en 2018 ont causé des bouleversements majeurs et ont mené à une montée des visiteurs internationaux qui ont annulé leur vol pour Paris7. La perception de sécurité et de stabilité de ces villes comme centres d’affaires a inévitablement été touchée.

Vers les valeurs sûres

Le paysage en investissement immobilier change donc en raison des quelques facteurs distincts mais interreliés. Premièrement, les pressions réglementaires et du marché signifient que les investisseurs sont obligés d’identifier, quantifier et divulguer les risques auxquels ils font face quant aux changements climatiques8. La transparence accrue dans les rapports facilite, pour les fournisseurs de capital, l’évaluation des risques associés à un investissement ou un fonds particulier et la tarification de leur équité ou de leur dette selon le cas9. Le processus s’accélère grâce une disponibilité accrue de données et d’analyses pour permettre d’évaluer les risques encourus. Dans l’ensemble, cela découragera les investisseurs d’acheter ou de construire dans certaines villes ou secteurs de celles-ci quand elles sont sujettes à de risques sociaux ou environnementaux.

En deuxième lieu, même si les investisseurs sont prêts à accepter certains risques, cela aura un coût. Les primes d’assurances ont grimpé dans les dernières années, les marchés américains subissant des hausses de 30 à 50 % même dans des régions non concernées. Dans les régions à haut risque, les coûts se sont multipliés par 2 ou 3, et dans certains cas, les assureurs conventionnels se sont carrément retirés du marché10. Les gouvernements aident à combler les manques dans certaines régions, mais la pression d’éviter de construire dans de tels secteurs s’intensifiera. Et même si des assurances sont disponibles, c’est souvent avec des mesures d’atténuation, qui ajoutent aux coûts sans nécessairement hausser les rendements. Ce qui n’a pas encore été entièrement calculé dans les prix, c’est que dans certains endroits, les assurances seront complètement indisponibles ou à un prix qui rendront la construction et les investissements non viables.

LE PRIX ANNUEL DES ASSURANCES SUR LA PROPRIÉTÉ AUGMENTE

Finalement, les coûts et le dérangement causés par les effets climatiques ou sociaux n’inquiètent pas que les investisseurs. Les occupants (et leurs employés) se font leur propre idée des risques associés aux États, aux villes et petites localités. Leur planification d’entreprise en cas de désastre et la prises de décisions de leurs dirigeants refléteront davantage une évaluation plus globale et plus pointue des risques environnementaux et sociaux associés à un emplacement ou un immeuble spécifique. Des installations dans un endroit plus à risque auront une plus faible demande, un effet amplifié par leur coût plus élevé. L’impact sur les loyers est inévitable.

Ainsi, nous croyons que les occupants et les investisseurs seront attirés par ces endroits parés à toute éventualité en termes de risques ESG.

Chaque ville a un profil de risque distinct, mais aucun endroit est sans risque. Une attention particulière sera portée à l’identification, la gestion et l’atténuement du risque. Cela favorise des endroits comme New York, qui fournit diverses directives en plus de règlements précis sur la conception d’immeubles, la construction, l’investissement et la gestion d’événements climatiques extrêmes11. Il est clair que les questions ESG ne sont qu’une partie de l’équation qu’occupants et investisseurs doivent soupeser. Mais comme c’est un domaine nouveau qui évolue rapidement, ces facteurs marginaux auront un effet disproportionné sur le cours des entreprises et du capital d’investissement dans les années à venir..

Nous prévoyons donc que les investisseurs et occupants se tourneront vers les valeurs sûres, ces endroits avec une historique en termes de risque climatique et les moyens d’y faire face. Par exemple, les Pays-Bas sont une plaque tournante commerciale en mer du Nord et sont reconnus pour leurs défenses contre les inondations12. Ils pourraient donc tirer profit d’une priorisation des facteurs ESG en immobilier. Inversement, une attention accrue envers les risques climatiques et sociaux pourrait être au détriment de certains marchés émergents. Certains des plus importants problèmes climatiques et de durabilité se trouvent dans les pays en développement en raison de leur emplacement géographique ou de leur expansion économique foudroyante. Le Swiss Re Institute estime que dans le pire scénario de changements climatiques, les pays de l’ASEAN subiront le plus grand impact sur un PIB, suivi du Moyen-Orient et de l’Afrique13.

Nouvelles perspectives

Il est facile de se concentrer sur les aspects de coûts et risques des changements climatiques, mais la vue d’ensemble n’est pas que négative. Notre nouvelle économie durable et carboneutre développera ses propres centres d’excellence et emplacements de premier plan, ce qui créera des nouvelles opportunités d’investissements pour le secteur immobilier. Les industries et technologies vertes créent des milliers d’emplois et les villes et universités surgiront comme de nouveaux centres d’excellence dans ces nouveaux secteurs. Le nord-est de l’Angleterre est rapidement devenu un centre pour les parcs éoliens offshore grâce à une robuste industrie locale du génie maritime. Un nouveau câble a été étalé sous la mer du Nord pour importer de l’hydroélectricité de Norvège. Cette abondance d’énergie propre attire d’autres industries vertes dans la région, comme la nouvelle grande manufacture près de Blythe14. Ce qui cause un risque dans un secteur crée des opportunités dans l’autre.

Le facteur ESG change notre façon de voir les lieux et leurs atours. Des événements autrefois considérés rares (comme les catastrophes naturelles), des concepts que l’on tenait pour acquis (l’alimentation électrique et la loi et l’ordre) et des dangers gérés par les assurances ont longtemps été sous-représentés, voire ignorés, dans les décisions d’investissement. Nous nous dirigeons vers une géographie remodelée par le facteur ESG, selon lequel ces villes et États qui parviendront le mieux à atténuer les risques climatiques et les iniquités sociales seront plus attrayantes pour les travailleurs de talent et les entreprises florissantes. Il y a une occasion à saisir pour les villes qui renaîtront et se hisseront dans les palmarès des villes carrefour mondiales.

Les industries et technologies vertes créent des milliers d’emplois et les villes et universités surgiront comme de nouveaux centres d’excellence dans ces nouveaux secteurs.


1World Bank (2019 et al) https://www.doingbusiness.org/en/reports/global-reports/doing-business-2020 2Lien vers Building Resilience, Avison Young Ten Trends for 2020 et EcoLogical cities trend 3https://www.undrr.org/publication/human-cost-disasters-overview-last-20-years-2000-2019 4https://www.munichre.com/topics-online/en/climate-change-and-natural-disasters/climate-change/climate-change-has-increased-wildfire-risk.html 5https://www.power-technology.com/features/the-great-state-of-texas-explaining-the-power-crisis-and-what-happens-next/ 6https://www.iii.org/fact-statistic/facts-statistics-civil-disorders 7https://www.ft.com/content/62e2f894-fc8c-11e8-aebf-99e208d3e521 8Voir La couleur de l'argent 9Voir La couleur de l'argent 10https://www.rpsins.com/media/3793/rps_2021_us_property_market_outlook.pdf 11https://www1.nyc.gov/site/planning/plans/climate-resiliency/climate-resiliency.page 12https://www.ft.com/content/44c2d2ee-422c-11ea-bdb5-169ba7be433d 13https://www.swissre.com/media/news-releases/nr-20210422-economics-of-climate-change-risks.html 14https://worldbatterynews.com/battery-tech-developer-britishvolt-selects-site-for-first-uk-gigafactory-p578-165.htm

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