DIX TENDANCES POUR UN MONDE CARBONEUTRE

06. Réaction en chaîne

La demande continue d’augmenter pour les locaux industriels et d’entreposage, entraînée par la croissance du commerce électronique et un remodelage des chaînes d’approvisionnement. Pour de nombreuses organisations, les opérations de logistique sont scrutées à la loupe en raison du désir collectif de décarboniser.

Le volume de transactions mondiales du commerce électronique a plus que triplé ces dernières années et a augmenté de 25 % pendant la pandémie de COVID-191. Les récentes perturbations dans les chaînes d'approvisionnement mondiales - des canaux bloqués, des ports fermés et des pénuries de tout, du poulet aux puces (électroniques) - ont mis les chaînes d'approvisionnement sous le microscope comme jamais auparavant2. Les changements structurels actuels devraient faire en sorte que la demande se poursuive pour des entrepôts supplémentaires, pleins à craquer de rayonnages automatisés et de technologie robotisée pour la plupart, et une augmentation subséquente du nombre de déplacements en véhicule. Tout cela suppose un plus grand nombre de nouveaux développements, de plus grands besoins en énergie et de plus importantes émissions de carbone. Ce n’est pas vraiment ce que les acteurs du milieu veulent entendre à un moment où l’on se soucie davantage des questions climatiques.

VENTES MONDIALES DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

Une portée élargie des activités

Alors que les entreprises se concentrent de plus en plus sur leur transition vers les objectifs « net zéro », bon nombre d’entre elles se rendent compte que se soucier de leurs propres actions, c’est la partie facile de l’équation. Elles réalisent que les émissions indirectes de type 3 provenant de leur chaîne d’approvisionnement sont environ 11 fois plus élevées que les émissions venant de leurs propres opérations3. Si toutes les entreprises ont des chaînes d’approvisionnement, celles impliquées dans la fabrication de produits, la distribution, la vente au détail et les infrastructures tendent à produire davantage d’émissions. En effet, les huit plus grandes chaînes de valeur comptent pour plus de 50 % des émissions mondiales4, ce qui laisse place à l’amélioration. Des entreprises de tous les secteurs prennent les devants pour diminuer leur empreinte carbone. Donc, les exigences qu’elles ont à l’endroit de leurs fournisseurs continueront de s’intensifier.

La complexité inhérente aux chaînes d’approvisionnement laisse place à l’amélioration des pratiques. Des systèmes de gestion intelligents permettent à des entreprises en logistique peuvent repérer un produit en particulier au millimètre près en tout temps. Une telle précision permet à des applications basées sur les données de surveiller également la durabilité. Le calcul carbone n’est pas encore au niveau souhaité5, mais de multiples méthodes6,7,8 existent maintenant pour aider à quantifier l’impact carbonique de chaque composant d’une chaîne d’approvisionnement, que ce soit à l’aide de calculs de dépenses ou de calculs d’activités9, 10.

Le calcul carbone n’est pas encore au niveau souhaité, mais de multiples méthodes existent maintenant pour aider à quantifier l’impact carbonique de chaque composant d’une chaîne d’approvisionnement.

De nombreuses organisations qui veulent s’attaquer à leur empreinte carbone se sont inscrites à l’initiative Science Based Targets, qui a des directives sur les émissions de type 3 ancrées dans leur méthode de calcul11. Parmi ces entreprises, on trouve Walmart, dont le projet Gigatonne12 a mené à l’élaboration de leur système de suivi THESIS pour surveiller l’atténuement des dépenses carbone de leurs partenaires et fournisseurs13. Le projet a mené à la plus grande offre d’obligations d’une entreprise américaine de l’histoire, avec 2 G$ recueillis pour poursuivre des initiatives visant à amener l’entreprise à son objectif net zéro en 2040 sans recourir à des mesures compensatoires14.

Pour des entreprises comme Walmart qui gèrent des produits physiques, l’empreinte de leur chaîne d’approvisionnement a trois principales composantes : les émissions créées lors de la fabrication, celles créées en déplaçant le produit de l’usine au consommateur et l’infrastructure impliquée dans ces déplacements. Chacun de ces facteurs a un effet sur la propriété, mais l’attention actuelle envers les changements climatiques et la logistique ont une incidence sur le secteur immobilier, et ce, de plusieurs façons.

Ça déménage !

Les réseaux logistiques devront s’adapter à la transformation que l’on voit dans les technologies des transports, où deux thèmes dominent la discussion. Les véhicules automatisés (c.-à-d. sans conducteur) deviennent une réalité, avec de longs trajets commerciaux sur les autoroutes européennes et nord-américaines où l’on devrait voir la première application de cette nouvelle technologie15. Les véhicules électriques gagnent également en popularité16 chez les particuliers et serviront de plus en plus pour des usages commerciaux. Initialement, les limites en autonomie et les secteurs urbains à faible émissions signifient que les véhicules électriques commerciaux serviront davantage pour des déplacements locaux, mais leur usage augmentera avec l’amélioration de la technologie17. Par exemple, UPS18, DHL19 et FedEx20 investissent tous massivement dans l’électrification de leur flotte de véhicules.

Même lorsque les véhicules électriques seront en mesure de transporter des biens sur de longues distances, des investissements importants seront nécessaires pour l’infrastructure de chargement afin de soutenir la croissance du réseau logistique à l’échelle du continent21. Difficile de dire à quoi ressemblera ce réseau, mais l’élargissement et la transformation du rôle des stations-service devra faire partie de la solution.

À court terme, cette refonte se concentrera sur les centres urbains plus densément peuplés. La désindustrialisation de l’inventaire en ville est remplacée par l’« obsolescence inversée ». Le commerce électronique augmente la demande pour de nouveaux espaces industriels22, comme le développement intra-urbain observé à Vancouver23 et la conversion d’autres immeubles, y compris les magasins à grande surface24 ou les stationnements de plusieurs étages tel que le récent projet de redéveloppement d’Amazon à Londres25.

Des immeubles efficaces

Les installations de logistique elles-mêmes sont le second enjeu. Une plus grande attention est portée à la durabilité environnementale de grands entrepôts et sites de logistique26. Certaines installations se disent déjà « net zéro carbone » dans leur construction et leurs opérations27. Cela s’explique non seulement par les occupants et entreprises de logistique externalisée qui cherchent à être plus efficaces par leurs immeubles ou qui ont leurs propres objectifs « net zéro », mais aussi par des bailleurs qui veulent préparer leur portefeuille pour les normes à venir, en abordant la question carbone parmi d’autres initiatives de bien-être et de durabilité.

Par exemple, grâce à un programme de grande portée, Prologis a réduit ses émissions de GES de 37 % entre 2016 et 2020, ce qui équivaut à retirer 482 000 véhicules de la circulation28. De tels efforts peuvent être complexes pour un secteur traditionnellement axé sur le redéveloppement plutôt que la mise à niveau, mais ce sera de plus en plus nécessaire étant donné que la législation partout au monde imposera des normes environnementales plus strictes pour les immeubles locatifs. À l’avenir, les nouveaux immeubles devraient être plus faciles à maintenir en service. La simplicité relative des immeubles d’entreposage signifie que l’innovation par des tendances comme la construction modulaire et des matériaux plus faibles en carbone aideront à réduire l’empreinte dans cette catégorie d’immeuble.

Prologis a réduit ses émissions de GES de 37 % entre 2016 et 2020, ce qui équivaut à retirer 482 000 véhicules de la circulation.

Une saine alimentation

Les installations logistiques utilisent aussi beaucoup d’énergie. La prochaine génération d’entrepôts automatisés munis de la 5G et opérant 24 heures sur 24 avec une flotte de véhicules électriques sera très exigeante envers le réseau électrique. L’accès à des énergies renouvelables fiables et garanties est de plus en plus important pour les exploitants. Il est possible de conclure un accord d’achat d’énergie sur mesure avec un fournisseur29, en présumant qu’il y en a un disponible pour alimenter l’installation de façon suffisamment durable.

Un moyen de plus en plus couru est la génération d’énergie sur place, de sources renouvelables (par des éoliennes ou des panneaux solaires dans la plupart des cas)30. Les installations carboneutres d’un million de pieds carrés de Prologis en Allemagne, pour L’Oréal, sont munies d’un système photovoltaïque de 1,8 mégawatts et d’éoliennes sur le site31. Les avantages de générer son énergie à l’aide de sources renouvelables incluent la sécurité des approvisionnements, la réduction des coûts énergétiques pour l’entreprise et, habituellement, la possibilité de vendre ses surplus d’énergie au réseau local, le cas échéant.

PICS DE PRODUCTION ET PICS DE DEMANDE

L’inconvénient à produire son énergie, c’est que la demande varie au fil du temps, alors que le vent ne souffle pas toujours et que le soleil reste parfois caché32. Cependant, l’avancées des systèmes de stockage d’énergie par batteries que nous observons aident à gérer le déséquilibre offre-demande pour l’énergie produite sur place et celle du réseau. Le marché mondial des batteries attire des investissements majeurs et devrait valoir plus de 11 G$ en 202533, et pas seulement pour le secteur automobile. En effet, Tesla n’est qu’en des multiples entreprises créant des systèmes de batteries à échelle industrielle pour le marché immobilier34. Pour les entreprises qui cherchent à harmoniser leur stratégie d’immeuble efficace avec des solutions pour la demande énergétique, des modèles35 numériques émergents existent pour aider à élaborer des plans d’affaires. Ces modèles agissent comme « jumeau numérique », simulant les avantages d’ajouter du stockage par batterie et la génération renouvelable, permettant des prévisions justes du rendement et de la réduction des émissions de carbone. L’évaluation rapide permise par ces modèles donne un important potentiel de libérer ce secteur émergent de la transition énergétique.

Du changement, du changement, du changement

Comme bénéficiaire de tendances récentes qui s’avèrent être des turbulences pour d’autres domaines du marché immobilier, le secteur industriel et d’entreposage subit une croissance rapide et des changements spectaculaires. Que ce soit la nature des produits qu’ils renferment, les véhicules qui les visitent ou la structure et les sources d’énergie des immeubles eux-mêmes, la prochaine décennie sera témoin de l’accélération du changement pour les joueurs dans le marché de la logistique.


1https://www.statista.com/statistics/379046/worldwide-retail-e-commerce-sales/ 2Lien à (De)Globalization from 2020 and (De)Globalization 2.0 from 2021 3https://www.cdp.net/en/research/global-reports/transparency-to-transformation 4https://www.weforum.org/reports/net-zero-challenge-the-supply-chain-opportunity 5https://www.mckinsey.com/business-functions/operations/our-insights/making-supply-chain-decarbonization-happen 6https://afleet.es.anl.gov/hdv-emissions-calculator/ 7https://coolclimate.berkeley.edu 8https://www.terrapass.com/carbon-footprint-calculator 9https://normative.io/how-to-calculate-supply-chain-emissions/ 10Méthode basée sur les dépenses : centrée sur la valeur économique des achats. La dépense pour chaque bien ou service acheté est multipliée par un facteur d'émission "typique" basé sur les moyennes d'émissions de l'industrie par unité de production. Les résultats peuvent donc manquer de précision ou de spécificité par rapport à l'organisation concernée, mais aident à dresser un premier tableau de l'emplacement des principales sources d'émissions. Méthode basée sur l'activité : qui s'appuie sur des données suivies au sein de l'entreprise ou fournies par des fournisseurs - par exemple, le volume de carburant utilisé par un véhicule particulier pour effectuer des trajets particuliers, est ensuite multiplié par les facteurs d'émission pertinents. C'est plus précis, mais plus difficile à faire en raison du défi de la collecte et de la gestion du grand volume de données impliquées. 11https://sciencebasedtargets.org/resources/legacy/2019/06/SBT_App_Guide_final_0718.pdf 12https://progressivegrocer.com/walmarts-path-becoming-regenerative-company 13https://www.walmartsustainabilityhub.com/sustainability-index 14https://progressivegrocer.com/walmart-further-sustainability-goals-2b-green-bond 15https://www.bbc.co.uk/news/business-56332388 16Voir Electric avenue 17https://www.logisticsmanager.com/freight-innovator-tevva-secures-multi-million-pound-funding-to-develop-long-range-electric-trucks/ 18https://about.ups.com/content/dam/upsstories/assets/reporting/sustainability-2021/2020_UPS_SASB_Standards_Table_081921.pdf 19https://www.dhl.com/global-en/home/about-us/delivered-magazine/articles/2017/issue-2-2017/zero-emissions-by-2050.html 20https://newsroom.fedex.com/newsroom/sustainability2021/ 21Voir Electric avenue 22https://www.640columbia.com/ 23https://www.westerninvestor.com/british-columbia/dual-industrial-strata-projects-planned-for-vancouver-3832661 24https://fashionunited.uk/news/business/plans-to-convert-retail-space-into-logistics-centres-struggle-to-take-off/2020111751997 25https://news.cityoflondon.gov.uk/city-of-london-corporation-teams-up-with-amazon-to-cut-delivery-vehicles-and-improve-air-quality/ 26https://barneslogistics.co.uk/net-zero-logistics/ 27https://www.futurenetzero.com/2020/06/22/giant-net-zero-carbon-ready-warehouse-built-in-sheffield/ 28https://www.prologis.com/sustainability/environmental-stewardship 29https://ppp.worldbank.org/public-private-partnership/sector/energy/energy-power-agreements/power-purchase-agreements 30https://futurepresent.economist.com/infographic-the-outlook-for-self-generation/ 31https://www.prologisgermany.de/en/logistics-industry-feature/prologis-develops-carbon-neutral-logistics-facility-loreal 32https://fortune.com/2021/09/25/what-a-modern-energy-crisis-looks-like-and-why-no-country-is-safe/ 33https://www.power-technology.com/comment/global-battery-energy-storage-market 34https://www.costar.com/article/2114968179/why-tesla-is-betting-on-batteries-to-power-real-estate 35https://energyopenpiazza.io/

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