DIX TENDANCES POUR UN MONDE CARBONEUTRE

09. Dollars et bon sens

Les occupants et investisseurs sont désormais plus conscients de l’importance de la durabilité, ce qui signifie que l’impact sur les valeurs immobilières devient plus apparent. Alors que les règlements sont resserrés et que les divers coûts associés à une plus forte empreinte carbone augmentent, la différence de valeur sera exacerbée pendant que la demande gravitera davantage vers le volet plus vert du marché.

La valeur de l’immobilier commercial, dans la plupart des cas, est basée sur deux facteurs : combien un occupant est-il prêt à payer pour utiliser un espace et combien les investisseurs sont-ils prêts à débourser pour obtenir les droits sur ce revenu. Dans cette simplicité se trouvent une multitude de facteurs qui influencent ces deux variables et ils sont presque tous affectés par les enjeux de durabilité d’une façon ou d’une autre.

Les prix à la performance

Du point de vue d’un occupant, les immeubles durables1 présentent quelques avantages. L’efficacité énergétique réduit les frais d’exploitation et la flexibilité intégrée réduit le coût de réaménagement de l’espace. Alors qu’un nombre grandissant d’entreprises génèrent des rapports sur leur performance ESG, montrer son engagement envers la durabilité devient plus important pour les clients et employés2. L’impact de l’immobilier sur l’empreinte carbone d’une entreprise étant énorme, la propriété est une des premières cibles dans la stratégie de durabilité d’une entreprise.

Donc, les occupants montrent déjà une préférence pour les immeubles verts dans leurs choix locatifs. Au Royaume-Uni et en Europe, les immeubles non résidentiels doivent avoir un certificat de performance énergétique (CPE) avant de pouvoir être vendus ou loués. Ce certificat donne une cote de « A », la meilleure cote d’efficacité énergétique, à « G ». Nous avons analysé les cotes CPE et les loyers obtenus dans un échantillon de 65 000 transactions de location au Royaume-Uni dans un éventail de secteurs et le résultat démontre une corrélation entre la cote CPE d’un immeuble et sa valeur locative.

Il y a une nette corrélation entre la cote CPE d’un immeuble et sa valeur locative.

LA CORRÉLATION ENTRE LA VALEUR LOCATIVE ET LA COTE CPE AU ROYAUME-UNI, IMMEUBLES DE BUREAUX, INDUSTRIELS ET DE COMMERCES DE DÉTAIL

Source : Avison Young

D’ailleurs, cette relation se renforce au fil du temps. En 2016, le gouvernement britannique annonçait les normes Minimum Energy Efficiency Standards (MEES) qui rendent illégal de renouveler ou accorder un bail pour des immeubles dont la cote CPE est en-deçà d’un « E », et la loi prévoit un resserrement des restrictions selon un échéancier. Ainsi, on a vu un renforcement du lien CPE-loyer après 2016, ce qui est le plus apparent dans le secteur du bureau. Avant 2015, les propriétés à CPE de cote « A » suscitaient une prime de 38 % sur le loyer comparativement aux immeubles de cote « G ». Depuis 2016, cette prime a augmenté à 165 %.

Bien sûr d’autres facteurs déterminent le loyer que paiera un occupant, y compris l’âge de l’immeuble, son emplacement et sa qualité. Mais des analyses plus poussées confirment la performance supérieure des immeubles avec une bonne cote CPE, même lorsque ces facteurs sont encadrés3. Avec des normes minimales qui augmenteront en 2030, des propriétés mieux cotées ne seront que plus attrayantes. Des règlements similaires mais plus stricts devraient entrer en vigueur aux Pays-Bas pour les immeubles de bureaux à compter du 1er janvier 20234.

Pour les investisseurs, cela mène à des performances locatives améliorées au fil du temps. Au cours des dix dernières années, les propriétés qui avaient les meilleures cotes CPE (A et B) ont connu une croissance nettement plus forte en valeur locative que celles moins cotées. Les avantages pour les propriétaires sont cumulatifs puisque les occupants sont prêts à payer plus pour un immeuble plus efficace, mais ils sont aussi prêts à s’y engager pour de plus longues périodes. Depuis 2016, le bail moyen signé pour des propriétés cotées A et B selon le CPE était d’une durée de 114 mois, soit 20 % plus long que la durée moyenne de 95 mois d’un bail pour des immeubles F ou G.

Les avantages pour les propriétaires sont cumulatifs puisque les occupants sont prêts à payer plus pour un immeuble plus efficace, mais ils sont aussi prêts à s’y engager pour de plus longues périodes.

PRIME DE DURABILITÉ DANS LES BUREAUX DU ROYAUME-UNI

Nous croyons qu’il est très probable que la demande des occupants pour des immeubles durables dépassera l’offre dans la plupart des marchés occidentaux au cours des prochaines années. Ce sera à différents moments à divers degrés, mais le phénomène sera universel. La demande pour des immeubles existants qui sont déjà en mode décarbonisation augmentera et les immeubles en construction attireront l’intérêt pré-locatif alors que des entreprises planifieront les moyens d’atteindre leur cible carbone. La différence de loyer de longueur de bail entre les immeubles verts et le reste du marché continuera de s’accentuer.

Si les occupants sont prêts à payer plus et prendre des baux plus longs dans des immeubles écoénergétiques, on peut s’attendre à ce que les investisseurs paient un prix fort pour de tels immeubles. Aux États-Unis, nous avons analysé les données tarifaires de 137 000 transactions des dix dernières années dans des immeubles de bureaux totalisant plus de 1,2 billions de dollars et avons identifié une prime évidente pour les immeubles LEED5. Au début de 2021, le taux de capitalisation de la transaction moyenne pour ces immeubles était de 5,5 %,100 points de base en-deçà du marché global américain. Le premier quartile de bureaux LEED s’échange à un taux de capitalisation nettement plus faible que celui des immeubles équivalents sans certification LEED.

LES IMMEUBLES LEED ONT DE MEILLEURS TAUX D'ACTUALISATION QUE LE MARCHÉ GLOBAL AMÉRICAIN

Nos résultats correspondent aux données mondiales qui démontrent l’impact de la durabilité sur les valeurs immobilières. Des études sérieuses confirment qu’une certification écologique est associée à un taux d’inoccupation plus faible6 et à une prime sur le loyer7. Selon 13 études qui évaluaient des immeubles LEED et Energy Star aux États-Unis et au Canada entre 2008 et 2015, les taux d’occupation étaient jusqu’à 18 % plus élevés selon le marché et le secteur8. Parallèlement, 24 analyses universitaires identifient les primes en capital de valeur allant de 5 % à 43 % pour des immeubles avec des certifications écologiques en Australie9, en Allemagne, en Suisse, au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Rester au-devant de la courbe

Le concept de prime « verte » commence à diminuer en importance, simplement parce qu’il se fait remplacer par un « rabais brun ». Avec les changements de mentalité qui s’intègrent dans le comportement du marché, les immeubles inefficaces en énergie sont vus (et le seront de plus en plus) comme étant de qualité inférieure. Paieriez-vous une prime pour des vitres électriques et la direction assistée en achetant une voiture? Ou est-ce qu’une voiture perdrait en valeur sans ces caractéristiques parce qu’elles sont la norme aujourd’hui?

L’analogie de la voiture d’occasion est peut-être adéquate étant donné que des gouvernements annoncent présentement le futur bannissement de certains véhicules désuets10. Qu’ils soient victimes d’amendes du type new-yorkais11 ou d’interdictions de louer de type britannique ou néerlandais, les immeubles inefficaces seront de plus en plus tristes à posséder. Les occupants peuvent déménager ailleurs, mais les investisseurs risquent de rester coincés avec des actifs dépassés par le marché ou les normes légales et qui perdront énormément de la valeur.

Ce risque de transition émanant de l’adoption d’une économie faible en carbone a un élément dynamique très difficile à quantifier étant donné qu’il varie d’un endroit à l’autre et, au fil du temps, au fur et à mesure que les marchés et les gouvernements s’ajustent à des vitesses différentes. En Europe, le projet Carbon Risk Real Estate Monitor (CRREM), financé par l’Union européenne, fournit un modèle permettant aux investisseurs d’identifier les immeubles les plus à risque et les préparer pour une adaptation12. Au lieu de dépendre des normes actuelles d’émissions, cela tient compte de la trajectoire probable que suivront les normes de performance nécessaires pour réaliser l’ambition du gouvernement européen de décarboniser le secteur immobilier d’ici 2050. Cela permet aux investisseurs de planifier de qu’ils doivent faire pour respecter les normes actuelles et pour prévoir ce qui sera requis à l’avenir.

Avec les changements de mentalité qui s’intègrent dans le comportement du marché, les immeubles inefficaces en énergie sont vus (et le seront de plus en plus) comme étant de qualité inférieure.

MONITEUR DU RISQUE CARBONE EN IMMOBILIER

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Qu’elles soient établies par le gouvernement ou le marché, les qualifications en durabilité deviennent un facteur déterminant sur la valeur en immobilier. Comme l’indiquent nos divers articles Tendances, l’enjeu du carbone a un effet sur tous les aspects de la conception, la construction, les opérations, la gestion, l’occupation et la possession d’immeubles. Il devient impératif pour quiconque est impliqué dans le secteur de comprendre les incidences de ces facteurs sur le paysage des valeurs immobilières.


1Pour un résumé concis et faisant autorité de ce qui rend un bâtiment durable, voir https://www.worldgbc.org/what-green-building 2Voir Main-d'œuvre : force de la nature 3https://www.egi.co.uk/news/epcs-can-sustainable-offices-bolster-profits/ 4Leskinen, N., Vimpari, J. & Junnila, S. (2020). A Review of the Impact of Green Building Certification on the Cash Flows and Values of Commercial Properties. Sustainability volume 12(7). Disponible au : https://doi.org/10.3390/su12072729 5https://www.lexology.com/library/detail.aspx?g=dc647d90-b78c-4c89-b94e-6753a33291d1 6LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) est le système d'évaluation des bâtiments écologiques le plus utilisé au monde et est particulièrement répandu aux États-Unis. 5 Devine, A. & Kok, N. (2015). Green Certification and Building Performance: Implications for Tangibles and Intangibles. Journal of Portfolio Management volume 41(6). 7Ott, C. & Hahn, J. (2018). Green pay off in commercial real estate in Germany: assessing the role of Super Trophy status. Journal of Property Investment & Finance. 8Leskinen, N., Vimpari, J., & Junnila, S. (2020); A Review of the Impact of Green Building Certification on the Cash Flows and Values of Commercial Properties. Sustainability, volume 12(7). Disponible au : https://doi.org/10.3390/su12072729 9Le système national australien d'évaluation de l'environnement bâti (NABERS) est basé sur les performances réelles d'un bâtiment plutôt que sur sa conception, en distinguant les locations individuelles des parties communes. Il est de plus en plus utilisé dans le monde. 10https://www.gov.uk/government/news/government-takes-historic-step-towards-net-zero-with-end-of-sale-of-new-petrol-and-diesel-cars-by-2030 11https://www1.nyc.gov/site/sustainablebuildings/ll97/local-law-97.page#:~:text=Local%20Law%2097%20is%20one,reducing%20emissions%20in%20the%20nation.&text=Under%20this%20groundbreaking%20law%2C%20most,coming%20into%20effect%20in%202030. 12https://www.crrem.eu/

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